vendredi 13 avril 2012

Une pratique, une idée, un projet…. par Iaqov (J-M) Demarque, Psychanalyste.


Une pratique, une idée, un projet….

par Iaqov (J-M) Demarque, Psychanalyste. 




Depuis neuf mois, le temps d’une gestation, je travaille au sein d’un service de prévention municipal très particulier : la Maraude, de St Josse Ten Noode, la plus petite et la plus peuplée des communes de Bruxelles.
Née il y a cinq ans de la cogitation et de l’expérience de terrain de son actuel coordinateur, Jean-Michel Sorel, la Maraude est jusqu’à ce jour unique à Bruxelles et en Belgique.

Ses objectifs principaux sont de venir en aide, sur le terrain, c'est-à-dire essentiellement dans la rue, aux personnes qui comptent parmi les plus pauvres et les plus démunies : SDF, sans abris, sans papiers et autres exclus de notre société moderne.

Un travail difficile, éprouvant, qui ne peut se faire que dans l’humilité : ce n’est pas nous qui allons vers les gens de la rue : ce sont eux qui viennent à nous, pour autant que nous ayons pu gagner leur confiance !
Une confiance qui se bâtit essentiellement sur notre ouverture d’esprit, notre écoute neutre, bienveillante, exempte de jugement. Ce ne sont pas des « cas » que nous traitons : ce sont des hommes, des femmes, des enfants, chacun unique et particulier, que nous rencontrons, écoutons, essayons de réconforter, d’aider.

Ecoute neutre et bienveillante, absence de jugement…. Ca ne vous rappelle rien ? Moi, si !

Ce sont les bases même d’une écoute psychanalytique qui se respecte.

Lorsque j’ai commencé mon travail si particulier, comme psychanalyste bénévole au sein de l’équipe de la Maraude, j’étais à des années lumières de la réalité de la rue, que je commence à mieux connaître aujourd’hui. Je dis « je commence », car la rue est un terrain au sein duquel on apprend tous les jours, et mes curieux patients (je tiens à ce mot, pour ce que sous-tend son étymologie : ceux que je rencontre sont d’abord et avant tout des personnes qui souffrent !) me donnent quotidiennement des leçons de vie. Il y a un immense fossé qui sépare la vision de monsieur Tout-le –Monde et la prise de conscience du fait qu’existent dans notre société prétendument moderne des laissés pour compte ; il y a un abîme qui sépare cette simple prise de conscience de la réalité du vécu de ces hommes, de ces femmes, de ces enfants marginalisés et rejetés par notre société du profit et de la consommation !
Des hommes, des femmes, des enfants, qui souffrent souvent en silence, par pudeur, de souffrances parfois terribles, indicibles ! 

Je lisais dernièrement un article, dans le quotidien « Métro », distribué gratuitement dans les stations de transport en commun, à propos de la progression exponentielle des démences, partout dans le monde. D’après cet article, près de quarante million de personnes seraient concernées, principalement dans les pays dits « riches » !
Exagération ? Chiffres gonflés pour satisfaire une certaine soif morbide des lecteurs de ce journal ? Je ne pense pas, et j’ai même peur qu’on ne soit en dessous de la réalité !

Quotidiennement, je rencontre des psychotiques, des schizophrènes…. Soit qu’ils le soient devenus par décompensation, suite à un trop plein de souffrances, soit que ce soit la maladie mentale qui ait présidé à leur dégringolade. Et sur ce plan de la santé mentale, que peuvent-ils vraiment espérer ?
Pas grand-chose, dans la mesure où le cadre de soins ou d’écoute qui leur est proposé est souvent inadapté, inaccessible. Les coûts inhérents à toute psychothérapie, analytique ou autre, la rigidité des cadres proposés, le refus des thérapeutes de s’adapter à cette patientèle particulière sont autant d’obstacles qui s’opposent à son désir de mieux-être.
Dès lors, que faire d’autre, sinon que d’exploser le cadre, et de nous adapter à la demande, aux besoins de ces humains en mal d’écoute, de compréhension, de considération ?
Si j’ai créé « Psys en Rue », c’est bien dans ce but.
Je voudrais pouvoir développer un groupe de quelques personnes, psys ou personnes formées à l’écoute particulière de ce public différent, qui puissent donner un peu de leur temps à intervenir  auprès de ces laissés pour compte, sans autre but que celui de leur restaurer un minimum de confiance en eux, et de les aider à redevenir les sujets de leur existence.
Cela peut paraître peu, voire dérisoire. Cela n’a rien à voir avec un travail « social », du moins traditionnel. Mais je suis convaincu que c’est essentiel !

Si d’aventure, vous qui lisez ces lignes, vous vous sentez interpellé, n’hésitez pas à nous rejoindre : la moisson est grande, et nous manquons d’ouvriers !
Iaqov (Jean-Marie) Demarque
Psychanalyste



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