jeudi 21 juillet 2011

Quand la perversion nous saute au visage en première séance ... Cas clinique. Par Agnès Rouby, Psychanalyste.

Quand la perversion nous saute au visage en première séance ... Cas clinique

Par Agnès Rouby, Psychanalyste



Préambule :

Coup de fil : "Allo Mme Rouby, il est nécessaire que nous nous voyions".
Evidemment, je m'interroge sur cette formulation "nous nous voyions" .
Je reformule donc en "Vous souhaitez prendre RDV monsieur ?"
"Ben oui, quoi d'autre ?"
Je propose une date et une heure. Par 3 fois les propositions ne conviennent pas... Mon alarme interne retentit et je renvoie donc sur une collègue qui certainement aura la possibilité de proposer un créneau horaire plus à même de convenir à cette personne.
"Non, hors de question, c'est vous que j'ai choisie".
Aïe. Tout à coup le tout premier créneau proposé convient parfaitement.

1ère séance :

Je reçois monsieur X en face à face, normal pour un 1er entretien, une 1ère rencontre.
Il semble très à l'aise, et s'installe semi allongé (à la mode romaine), scrute le cabinet et me fixe en souriant.Je lui demande de s'installer correctement, face à moi.
"Bé ? Posez moi des questions ?"
Dans la toute puissance cet homme ... Je réponds "Vous me semblez tellement à l'aise que je vais vous laisser le soin de me dire ce que vous avez envie de me dire, tout simplement".
"Ah, bon, ben je vais faire votre travail alors"
Je ne bronche pas, ne cille pas, n'ai absolument aucune expression. Instinctivement mes bras se referment, je les croise et je m'installe bien profondément au fond de mon fauteuil.
S'ensuit une logorrhée de "parler de soi", du par coeur, du déjà dit, du déjà vu. Quelques petits arrêts silencieux afin de scruter l'effet produit sur moi par "Je ne vais pas m'attarder sur les viols subis pendant mon enfance, même si la torture qui y était associée mériterait que j'en reparle mais je m'en voudrais de vous choquer"
Je reste toujours imperturbable, fixant mon patient, mon esprit traçant d'emblée la structure perverse qu'il me semble tellement inutile d'aller valider par ailleurs. Alors je laisse venir.
Je réagis tout de même à cette phrase :"Vous savez Mme Rouby, j'ai suivi une cure analytique lacanienne à Paris pendant 7 ans, alors, je ne sais pas trop ce que je peux attendre de vous".
"Je me posais justement la même question Monsieur. Et je me demandais même comment vous êtes arrivé jusqu'à moi".
"Par élimination chère madame, par élimination, mais bon, à vous de me prouver que j'ai eu raison de m'arrêter sur vous".
"Et bien voyez vous, monsieur X, je n'ai rien à prouver à personne et certainement pas de temps à perdre. Je crois comprendre que vous avez les outils, les moyens d'avancer sans l'aide d'un thérapeute, aux vues de tout ce que vous venez de m'énoncer et je crains donc de devoir clore cet entretien et de vous saluer".
 Castration suprême, et donc revirement de situation et de comportement :
"Mais je souffre moi, j'ai un grave problème sentimental duquel je n'arrive pas à me défaire et j'ai besoin de votre aide"
"Alors parlez moi donc de cette souffrance, monsieur x"
"Voilà, j'hésite entre 2 femmes : une qui est superbe mais pas terrible et l'autre qui a un minimum d'intelligence mais que j'ai honte de sortir en public ... enfin, vous voyez ce que je veux dire et je souhaite travailler dessus la prochaine fois car je vois que l'heure est dépassée. Ah, heureusement que je vérifie le cadre ..."

"Ici monsieur, c'est moi qui définis le cadre et je ne reprogrammerai pas d'autres séances avec vous".
Autre castration, intolérable à priori celle-ci, car elle m'a valu plusieurs coups de fil de la part de ce monsieur, me suppliant de lui reposer un RDV, parfois de manière pleurnicharde, d'autres fois de manière véhémente.

Ce genre de séance vous parle ??????????

Agnès Rouby
Psychanalyste

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